Cette mi-saison 2010-2011 pourrait bien marquer un changement majeur dans la relation passionnelle qu’entretient la télé américaine avec sa cousine britannique. Jusqu’ici, les remakes de succès britishs prenaient généralement la porte sans faire de bruit, annulés après une poignée d’épisodes. Récemment, Life on Mars ou Eleventh Hour avaient expérimenté le foireux système. Rares, très rares étaient les remakes comme The Office à avoir réussi leur coup. On n’attendait donc assez peu des trois remakes en dix jours — un record — proposés en ce début d’année. Pire, Shameless (Showtime), Skins (MTV) et Being Human (SyFy), toutes les trois très bien en version originale, devaient nous déplaire, et faire un bide. A défaut de nous combler, elles ont assurées, et ont battu des records d’audience.
Shameless, avec 982.000 curieux sur Showtime, a fait le plus beau démarrage de la chaîne depuis Dead Like Me, il y a sept ans. Skins a réussi à mettre devant leurs écrans 3,3 millions de téléspectateurs, mais a surtout dépassé, statistiquement, les lancements de Gossip Girl ou Vampire Diaries chez les 12-34 ans. Enfin, Being Human, en passant la barre des 2 millions de téléspectateurs, a permis à SyFy de réaliser son meilleur score pour un pilote depuis 2005. Curiosité de ceux qui connaissent la version originale et qui voulaient comparer, ou véritable intérêt pour les histoires de ces séries — présentées comme “originales” par les chaînes –, ces remakes devront faire leurs preuves dans les semaines à venir, quand ils développeront leurs propres lignes narratives, et non plus seulement celles de leurs modèles. Ce qui n’enlève rien à leur performance.
Avant toutes choses, je tiens à vous dire ce que j’en pense, même si mon avis n’est en aucun cas preuve de bon goût ou de réussite. Shameless, dont le pilote est une quasi copie conforme à la version anglaise, est plutôt bien foutue. Sachant que le script n’est pas original, tout repose sur les acteurs, qui sont plutôt bons, à commencer par Emmy Rossum — l’excellent William H. Macy passe le gros de son temps bourré, par terre. Skins, dont je redoutais l’adaptation, est elle aussi une copie, avec quelques moments réussis, mais un casting plus faible que l’original et une légère difficulté à s’adapter à la culture américaine. Enfin, Being Human, la moins platement pompée sur son modèle, prend visiblement la direction du premier pilote de la version anglaise (il y en a eu deux, avec deux castings presque 100% différents), donc devrait être plus sombre, moins drôle, et malheureusement moins finne que la série de la BBC.
Ceci étant dit, ça aurait pu être bien pire. Shameless et Skins sont des œuvres très britanniques dans leur esprit, qui n’avaient rien à faire à la télévision américaine. Elles gardent d’ailleurs profondément encré dans leur ADN leur identité, et il faudra du temps aux scénaristes des remakes pour trouver et imposer un ton à part entière, surtout sur le plan comique. Being Human devrait plus rapidement (elle le prouve déjà) trouver sa propre voie — qu’on l’aime ou pas.
Comment expliquer ces succès ? Encore une fois, il me semble qu’il faille séparer Shameless et Skins d’une part, Being Human de l’autre. Les deux premières ont été lourdement annoncées, marketées, précédées d’une réputation (à juste titre) sulfureuse. Sans doute la télé américaine, en ces temps moroses et frileux, a-t-elle besoin d’un peu de provoc’ pour attirer les téléspectateurs. Les ados pour Skins et les adultes pour Shameless ont répondus présents à l’appel du trash, et à la promesse de séries plus barrées que le tout venant américain. Le succès de Being Human, je l’expliquerais — malheureusement — en deux mots : vampires et Twilight. Ça ne concerne qu’un des trois héros de la série, mais difficile de ne pas penser que la mode du moment n’a eu aucun impact sur le choix de SyFy — et des producteurs Américains et Canadiens — de lancer ce remake.
Et vous, vous en pensez quoi de Shameless, Skins et Being Human ?
Image de Une : Skins, MTV.